Eric Raimondeau : "Un cycle obligatoire de formation généraliste devrait être organisé en début de mandat"


“La formation, ce n’est pas seulement acquérir des connaissances techniques, c’est aussi un temps d’échanges très libre entre élus ! C’est un enrichissement et ça me semble absolument essentiel !”


Pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours ? 📈

J’ai commencé ma carrière comme responsable du service technique d’une petite commune de Loire-Atlantique. Plus tard, dans une plus grande commune, j’ai voulu me spécialiser dans l’urbanisme et lorsque mon chef de service est parti à la retraite, la maire de ma commune m’a proposé de reprendre le poste. J’intervenais dans l’urbanisme opérationnel, prévisionnel et réglementaire.

J’ai achevé ma carrière dans un pôle de proximité de la Métropole de Nantes. Sont alors venues s'ajouter des compétences dans les domaines de la mobilité, des transports, de l’’environnement (désormais l’axe principal de toute intervention d’un urbaniste), de l’habitat, du logement, du management et surtout de la relation avec les élus !

Sur quels thèmes intervenez-vous en formation pour les élus locaux ? 👨‍🏫

Depuis maintenant plus de trois ans, j’interviens principalement sur deux modules « Les bases et les fondamentaux de l’urbanisme », « L’élaboration et la gestion d’un Plan Local d’Urbanisme ».

Au cours des derniers mois, je suis intervenu régulièrement auprès d’élu.es pour présenter les dispositions de la loi Climat et Résilience. Elles obligeront les élus à envisager différemment l’aménagement de leur territoire au travers de la sobriété foncière et du Zéro Artificialisation Nette, le fameux “ZAN”.

D’autres sujets peuvent être abordés tel que « la fiscalité de l’aménagement » qui permet au travers d’un certain nombre de dispositifs d’obtenir des recettes pour financer en tout ou partie les dépenses d’équipement générées par l‘urbanisation. Autre thème sur lequel une formation pourrait être organisée concerne « Les principes d’aménagement, l’instruction et la gestion d’un lotissement ». 

J’illustre toujours mes propos en faisant référence aux exemples issus de mon expérience professionnelle. Les élus apprécient ce côté concret et pratique du terrain et ça nourrit beaucoup les échanges.

Pourquoi est-ce important pour les élus de se former sur ces sujets ?  🔍 

Les adjoints et les conseillers municipaux viennent pour s’acculturer à cette discipline. Les élus, quelle que soit leur attribution, se sentent concernés car l’urbanisme façonne l’aménagement de la ville au fil des mandats. Il impacte donc directement le cadre de vie des habitants mais aussi l’image de la commune.

Je ne suis pas là pour transformer les élus en experts. Je suis là pour apporter des bases qui leur permettront de porter la contradiction aux agents avec lesquels ils travaillent. Les élus doivent être en mesure d’apporter un positionnement en accord ou, au contraire, contradictoire par rapport à ce que proposent leurs services ou parfois la seule secrétaire de mairie. 

Au-delà de ma spécialité, il me semble qu’il est primordial former pour un élu.

J’incite donc les élus à découvrir d’autres sujets aussi variés que les finances locales, la gestion d’un cimetière, l’organisation et la conduite d’une réunion, les marchés publics, les droits et les obligations d’un élu, etc. etc.

Autant de thématiques qui font leur quotidien. Autant de sujets dont ils entendront parler dans des commissions municipales, au conseil municipal ou dans des instances intercommunales.

Face à des agendas chargés, j’ai malheureusement l’impression, que la formation ne revêt pas un caractère prioritaire pour les élus qui sont très sollicités.

Quel bénéfice un élu peut-il tirer de la formation qu’il aura suivie ?

“La formation renforce la capacité à discuter avec un agent qui attend de l’élu un avis ou sa position sur un dossier.”

Outre un apport de culture générale, la formation permet à un élu d’appréhender un dossier qui lui est présenté ou une question qui lui est soumise. Il sera mieux à même de porter une analyse critique et d’assumer la décision à prendre.

Avant de signer un arrêté de permis de construire, un élu bien formé sera conscient que sa signature engage juridiquement la collectivité et lui-même. De même, lorsqu’il assiste à une réunion sur un projet d’aménagement, il se doit d’avoir un minimum de bases pour discuter avec des porteurs de projets.

La formation renforce la capacité à discuter avec un agent qui attend de l’élu un avis ou sa position sur un dossier.

Elle est encore plus nécessaire lorsque vous exercez votre mandat dans une commune qui ne compte que quelques centaines d’habitants. Dans ce cas, les services administratifs sont réduits à l’essentiel avec un secrétaire de mairie et une ou deux autres personnes. Il n’y pas de services structurés (techniques, urbanisme voiries etc. etc) et donc les élus font face à un manque cruel d’ingénierie technique et administrative.

Pour les communes les plus petites, les maires que j’ai rencontrés sont venus avec leur secrétaire de mairie. Compte tenu de la place que tiennent ces véritables couteaux suisses de la fonction publique territoriale, il est intéressant de les associer à ces formations. 

Il faut donc que l’élu soit en capacité de discuter avec les services intercommunaux ou de l’Etat. Ils tentent, parfois, d’imposer leur point de vue à l’élu qui n’est pas forcément d’accord.  

Bien formé, même avec des connaissances générales, il sera en mesure de demander qu’on lui propose plusieurs solutions pour résoudre la problématique qui lui sera posée.

 
 

Avez-vous noté des changements auprès de communes que vous avez accompagnées ?  

J’ai surtout constaté que les élus découvrent la complexité d’une discipline qui se cumule avec d’autres. Ils entrevoient principalement l’urbanisme sous l’angle de la délivrance des permis de construire, de la gestion du PLU(I) et de l’urbanisation par les lotissements.

Il y a parfois, mais ils sont peu nombreux, des élus qui me rappellent pour me demander des compléments d’informations sur des points abordés en formation. 

Comment envisagez-vous l'évolution du mandat local dans les prochaines années ?  

“Jongler entre la vie de famille, la vie professionnelle et la vie municipale relève souvent du challenge journalier.”

Je pense que plusieurs volets sont à prendre en compte. Il faut tout d’abord offrir la possibilité, aux élus qu’ils soient adjoints ou conseillers municipaux, de disposer de plus de temps pour se consacrer à leur mandat.

Être élu municipal relève souvent d’un véritable sacerdoce, 24h/24 et 7 jour sur 7. C’est encore plus vrai lorsque la commune compte quelques centaines d’habitants.

Les réunions de travail internes ou externes pour représenter la collectivité au sein de diverses instances, les représentations à des évènements et autres manifestations s'enchaînent. Elles sont toujours plus nombreuses et chronophage. Elles génèrent aussi des sources de stress et de tension politiques entre élu.es ; ces sujets seraient d’ailleurs de très bons thèmes de formation !

Face à tout cela, jongler entre la vie de famille, la vie professionnelle et la vie personnelle relève souvent du challenge journalier.

Là aussi, la formation a un rôle à jouer pour qu’un élu définisse ses urgences et ses priorités.

Des élus se sentent indispensables et veulent être partout à la fois. Ce n’est pas possible ! Être élu.e, c’est savoir gérer son stress, son agenda et gérer les conflits, tant avec les citoyens qu’avec les membres du personnel de la mairie. 

Il faut permettre à celles et ceux qui sont élu.e.s d’avoir la possibilité d’aménager leur temps de travail pour se consacrer à leur mandat tout en percevant une indemnité compensatrice du salaire perdu. Les employeurs privés doivent donc faire un effort pour faciliter l’aménagement du temps de travail. 


C’est pour cela que l’on peut se poser la question du renouvellement générationnel et socio professionnel. 

“Les élections de 2026 doivent constituer une occasion pour opérer un renouvellement de génération face aux problématiques qui se posent aux élus, notamment dans le domaine climatique.”

On retrouve beaucoup de fonctionnaires et de professions libérales dans les instances exécutives. Il faut donner plus de possibilité aux gens qui travaillent dans le privé pour assurer une réelle diversité sociale dans les conseils municipaux ou intercommunaux.

Les élections de 2026 doivent constituer une occasion pour opérer un renouvellement de génération face aux problématiques qui se posent aux élus, notamment dans le domaine climatique.  

Pour conclure, on ne peut qu’encourager les citoyens à s’engager dans l’exercice d’un mandat municipal. C’est un signe de bonne santé de notre société de voir qu’une démocratie locale et dynamique perdure.

Mais cet exercice est souvent difficile. Face à l’inflation de textes de toute nature, les procédures deviennent de plus en plus longues.